Les Dokimos



L’Église reste blessée par le génocide rwandais

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« L’Église catholique, puissance morale, institution importante dans la vie internationale, s’est murée dans le silence. »

Intervenant à l’Unesco lundi 7 avril pour le 20 e anniversaire du génocide, l’ambassadeur du Rwanda auprès de cette agence onusienne, Jacques Kabalé, s’en est pris sans détour à l’attitude de l’Église catholique lors des atrocités commises en 1994 : « Son abandon a été d’autant plus vivement ressenti que certains de ses membres ont couvert ces actions criminelles. Plusieurs églises au Rwanda sont devenues aujourd’hui des lieux de mémoire des massacres de dizaines de milliers de Tutsis venus y chercher refuge », a-t-il ajouté.

Qualifiées d’interethniques, les massacres au Rwanda ont été aussi, de fait, interchrétiens. Catholique à 65 %, ce pays de neuf millions d’habitants figure plus largement comme l’un des plus chrétiens du continent. Depuis leur arrivée début 1900, les Missionnaires d’Afrique, les « Pères Blancs », ont répandu la foi, formant un clergé autochtone. La période 1930-1940 est considérée comme un « printemps de l’évangélisation », œuvre de missionnaires proches du peuple. Mais qui ont aussi contribué à opposer l’élite tutsie à la majorité hutue, en misant plus tard sur celle-ci. Jean-Paul II, en visite en 1990, pouvait toutefois vanter une Église « jeune et vigoureuse ».

COMPLICITÉ TACITE

Et aussi, à l’époque, « une bonne entente entre le gouvernement et l’Église ». Une entente trop étroite. L’archevêque de Kigali, Mgr Vincent Nsengiyumva, « hutu comme la majorité des évêques, était un familier du palais présidentiel », rappelle le cardinal Roger Etchegaray, envoyé une première fois au pays des Mille Collines en 1993 (J’ai senti battre le cœur du monde, Fayard, 2007) : « Il était si proche du parti au pouvoir qu’il fut même membre de son comité central, jusqu’à ce que Rome exige de lui son retrait. »

Aujourd’hui, plusieurs prêtres de la région admettent que cette proximité avec le régime (hutu) de Juvénal Habyarimana a rendu une partie de l’Église catholique incapable de prendre ses distances avec les massacres ni de les prévenir en amont. « Nous n’avons pas su signaler ce qui se profilait à l’horizon, nous avons manqué de sens prophétique », estime aujourd’hui le P. Augustin Karekezi, actuel supérieur des jésuites au Rwanda et au Burundi, établi à Kigali.

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