Les Juifs qui vivent dans l’Union européenne (UE) sont confrontés à des insultes, quelquefois, mais plus rarement, à la discrimination et/ou au harcèlement et même à des violences physiques. Des actes qui, en dépit des efforts concertés de certains États membres, ne semblent pas s’atténuer avec le temps.
En France, il n’existe plus d’antisémitisme institutionnalisé, comme ce fut le cas dans les années 1930-40, mais dans la France des années 2000, l’hostilité à l’endroit des Juifs s’est largement développée chez les jeunes qui vivent dans des quartiers dits sensibles et qui, discriminés et souvent victimisés, sont en quête d’identité. Certains sont motivés par une haine doctrinale et implacable des Juifs et le conflit israélo-palestinien sert quelquefois de détonateur. Cependant, ce conflit sert aussi d’alibi à l’expression de l’antisémitisme dans les milieux socialement plus privilégiés. Bref, le conflit n’est-il pas plutôt un faux prétexte qui a fait sauter et de façon durable le tabou de l’antisémitisme ? Et puis, il y a ces stéréotypes infâmes. Le meurtre tragique en 2006 d’Ilan Halimi est le fruit, le résultat de la survivance d’un antisémitisme structurel qui s’appuie sur de vieux clichés nauséeux, les mêmes qui perdurent depuis des siècles. Ainsi depuis l’an 2000, les Juifs de France sont désemparés. Et ailleurs ? Dans ce court texte, nous essayerons de montrer que cette folie antisémite est bien réelle et que l’inquiétude prévaut au sein des diverses communautés juives. Parce qu’au travers du Net, dans des prêches haineux, dans les programmes racistes qui sont diffusés quelquefois par des télévisions qataries ou iraniennes, les fanatiques se pressent et se lâchent littéralement.
Dans ce document, nous explorons quelques problèmes, les enjeux et nous nous demanderons ce qu’il conviendrait de faire.
Les Juifs d’Europe se sentent menacés.
L’enquête en ligne de la FRA (agence européenne des droits fondamentaux) sur les expériences de la discrimination et de crimes de haine vécues par des personnes juives dans huit États membres de l’UE met au jour une crainte répandue de l’antisémitisme sur l’internet, un niveau inquiétant de discrimination antisémite, en particulier dans l’emploi et le logement dans certains pays, et des inquiétudes au sujet de la négation et de la banalisation de la Shoah et des crimes de haine (1). L’enquête révèle également des problèmes connexes, comme le non‑signalement de crimes et incidents antisémites par les victimes. Les résultats de cette recherche couvrent l’Allemagne, la Belgique, la France, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, le Royaume‑Uni et la Suède, des pays dans lesquels résident selon les estimations 90 % de la population juive de l’UE. Près de 5 900 personnes qui s’identifient comme étant juives ont participé à l’enquête qui a été réalisée en ligne en septembre et octobre 2012. La méthodologie choisie a permis à toutes les personnes intéressées s’identifiant comme juives dans les pays couverts par l’enquête d’y participer. Elle ne constitue toutefois pas un échantillon aléatoire répondant aux critères statistiques de représentativité.
Que nous apprend cette enquête de la FRA ?
Au cours des 12 mois qui ont précédé l’enquête, 26 % des répondants ont été la cible d’un ou de plusieurs incidents impliquant des insultes verbales ou un harcèlement parce qu’ils sont juifs – 4 % ont été victimes de violence physique ou de menaces de violence. Près de la moitié des répondants (46 %) a peur d’être victime d’agression verbale ou de harcèlement antisémite dans les 12 prochains mois, alors qu’un tiers (33 %) craint une agression physique au cours de la même période.
Dans l’ensemble, 75 % des répondants considèrent que l’antisémitisme sur internet est un problème dans le pays où ils vivent. Près de trois quarts des répondants (73 %) ont déclaré qu’il s’est développé ces cinq dernières années. Près d’un quart des répondants (23 %) a déclaré éviter, au moins occasionnellement, d’assister à des manifestations juives ou de visiter des sites juifs parce qu’ils ne se sentiraient pas en sécurité en tant que juifs pendant leur trajet ou étant sur place. Plus d’un quart des répondants (27 %) évite certains lieux dans leur quartier, au moins occasionnellement, parce qu’ils ne s’y sentiraient pas en sécurité en tant que juifs. Un tiers des répondants (33 %) a fait l’objet d’une forme de harcèlement antisémite au cours des cinq années précédant l’enquête, tandis qu’un quart (26 %) en a fait l’objet au cours des 12 mois précédant l’enquête. Au cours des 12 derniers mois, plus de la moitié des répondants (57 %) a entendu ou vu quelqu’un affirmer que la Shoah était un mythe ou avait été exagérée. Même si, l’échantillon est aléatoire et ne répond pas aux critères statistiques de représentativité, les perceptions de l’antisémitisme européen dans ces 9 pays convergent pour mettre en exergue une nette montée de l’antisémitisme avec pour corolaire l’aggravation tout aussi nette de l’inquiétude prévalant au sein des diverses communautés juives concernées. Une inquiétude que l’on ressent profondément en France. Dans notre pays, plus de 7600 actes antisémites ont été officiellement recensés depuis le mois d’octobre 2000 à la fois par les services de sécurité de la communauté juive et par le ministère de l’Intérieur. Lire la suite ICI.