Il ne comprend pas. Il n’a pas d’explication. Il craint pour sa vie, pour la vie de son équipe médicale et pour celle de ses patientes. Le docteur Denis Mukwege, « l’homme qui répare les femmes » dans le Sud Kivu (Est de la RD-Congo), n’est plus protégé par les Casques bleus de manière permanente. Ni lui, ni ses collègues, ni l’hôpital de Pandzi où il accueille et soigne les femmes violées du Kivu, depuis la fin des années 1990.
L’homme est menacé. En 2011, il a échappé de justesse à une tentative d’assassinat dans sa maison de Bukavu. Depuis son retour d’exil, en 2014, les Nations unies assuraient sa sécurité. L’ancien secrétaire Ban ki-Moon lui avait même personnellement garanti la protection des Casques bleus.
« Cette protection permanente m’a été retirée après le départ de Martin Kobler, le représentant spécial du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo. On ne m’a donné aucune explication. », confie-t-il à La Croix, lors d’une rencontre à la fondation Varenne où il était reçu la semaine dernière.
« Notre action gêne »
Il en bénéficie, désormais, uniquement pour ses déplacements. Mais c’est tout. Or, dans cette région où sévissent plus d’une vingtaine de groupes armés, où les entrepreneurs de guerre et les trafiquants font la loi, l’impunité et la violence n’épargnent personne. « Notre action gêne : nous soignons les victimes de la violence et de la barbarie dans le Kivu. Elles nous parlent, nomment leurs bourreaux. Cela n’est pas du goût de ceux qui commettent ces actions et de ceux qui les dictent. »
C’est pourquoi, poursuit-il, « on risque sa vie quand on soigne dans le Kivu. Il n’y a pas d’État, de justice et de police pour nous protéger. Même les Casques bleus ne nous protègent plus. »
Au mois d’avril, la protection accordée par l’ONU à son jeune collègue, le docteur Gildo Byamungu, lui a été retirée, sans explication. Le 14 avril, le médecin est assassiné dans sa maison, à Bukavu. « J’étais avec lui, un jour avant sa mort. Comme nous tous, il se savait menacé. Il m’en avait parlé : il recevait des menaces écrites, verbales. », dit-il.
Le docteur Denis Mukwege en est convaincu : Gildo Byamungu a été tué non pour des raisons crapuleuses, mais pour des raisons politiques. C’est un message adressé à tous ceux qui se dressent en travers de la route des groupes d’intérêts qui se partagent et se disputent les richesses minières de la région.